1025.Je vous écris d'un pays qui n'est pas le mien (1)
J’ai l’habitude d’écrire, plus ou moins bien. J’écris
depuis longtemps, ce qui n’est gage de rien. J’aime manier les mots, plus ou
moins bien. La lecture est une de mes occupations favorites, j’amasse des
livres depuis que j’ai l’âge de raison. Mais tout ceci ne me sert à rien dans
le cas présent : je n’ai jamais su commencer une lettre pour la femme que
j’aime, je n’ai jamais vraiment su comment l’on écrit à la Dame de ses pensées.
Avec l’âge la chose ne s’est pas arrangée. On devient un peu moins aveugle sur
la vie, certes, mais justement le fait d’ouvrir les yeux donne une petite
expérience et l’on sait que l’on ne doit plus dire certaines phrases au risque
de passer pour un imbécile. Même si l’on est tenté de les écrire encore, parce
que tout simplement on les ressent. Alors il faut se lancer. Alors il ne faut
pas avoir de plan littéraire dans la tête ; il faut écrire comme cela
vient. C’est ce que je vais faire dans les lignes qui suivent.
Nous avons vécu un certain temps ensemble. Quatre années.
Je pense pouvoir écrire sans que vous me contredisiez que nous nous sommes
follement aimés. D’un véritable amour, puissant, respectueux et mutuel. Je vous
ai aimé plus que moi-même. Vous m’avez énormément aimé selon vos propres dires.
Toutes ces phrases sont conjuguées au passé. Pour celles qui vous concernent en
tout cas. Pour ma part, je vous aime toujours. Il m’a fallu passer par les
méandres, les chemins obscurs, les arrières salles de l’existence pour m’en
apercevoir. J’ai fait ce que l’on appelle communément « le con ». Par
égoïsme, par bêtise, par stupidité masculine. Parce que tout semble devenir
plus lourd, parce qu’on se laisse entraîner vers des cieux en eaux
troubles ; qu’on se dit que c’est provisoire mais que cela dure. Et que
quand le rideau tombe, on tombe avec lui.
Nous nous sommes revus récemment. Vous m’avez trouvé beau,
comme avant. Mais vous m’avez aussi dit que vous ne ressentiez plus rien pour
moi, que l’amour vous avait quitté. Choses dures à entendre. Difficiles à
comprendre. Dures à admettre. Deux solutions qui en fait n’en sont pas, se
présentent alors. La première consiste à oublier mais… il faut bien vivre avant
d’oublier, et ce n’est pas le plus facile. On y arrive parfois jamais. Tant de
paramètres entrent en jeu dans ce genre de processus. Je me suis d’ailleurs
toujours demandé si on pouvait mourir d’amour. La deuxième c’est de continuer à
aimer la personne en question, ne pas se faire une raison, se dire que tout est
toujours possible, que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Mais
justement, puisqu’on parle de vie vous savez maintenant, Mademoiselle, qu’elle
m’est comptée. Je dois faire avec ce « temps qui reste ».
(A suivre.... Photographie personnelle : place Saint Jean de Belleville, Paris, juin 2007)