1058.Le premier qui dort réveille l'autre.
Cette phrase m'a toujours frappé. C'est le titre d'un bouquin de Jean Edern Hallier qu'il avait écrit lors de la mort de son frère. J'aime cette phrase pour tout ce qu'elle sous-entend. Les jours d'après le 23 août, date de la crémation de mon père, s'écoulent comme des jours sans horizons, vides de sens, occupés que nous sommes tous par mettre des papiers en ordre, répondre au téléphone et aux courriers, être près de notre mère ; et puis assurer ce que j'appelle les "relations publiques" : les voisins, les amis qui passent, qui viennent soutenir. Je remonterai sur Paris dans quelques jours, harassé, avec tellement d'images dans la tête. Le funérarium, l'hôpital, les tubes et les machines, le cercueil ouvert et mon père dedans, les pleurs, les cris, les mots du prêtre, de moi m'avancant vers l'estrade pour lire dans cette chapelle un texte que l'on m'avait demandé d'écrire. Cette journée du 23 août est gravée dans ma mémoire. Du chaud soleil de Marseille et du cimetière Saint Pierre, de ce ciel bleu et de Notre Dame de La Garde que l'on devinait derrière quelques palmiers je me rappelerai toujours. Ce rideau blanc que l'on tire pudiquement devant nous, que l'on rouvre alors que le cercueil a disparu. De tous ces visages vus ce jour là je me souviens un à un. De toi qui n'avais pas pu être là mais qui par téléphone était présente et l'est toujours. De la mère de mon fils. Ce fils qui aime son grand père plus que tout au monde. De ces heures terribles je suis marqué. Beaucoup de choses me paraissaient superflues, j'avais pris de la distance. Et depuis ce jour le phénomène s'est amplifié, je sais encore plus quelles sont mes priorités, ce qui est important, ce qui ne l'est pas ou plus.
La vie continue, autrement.
(Photographie personnelle : jeux de lumières d'un appartement, Provence, août 2007)