Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'âge d'homme
29 août 2007

1059.Un indicible espoir

Cotonou__B_nin__1948Brel disait souvent que ce qui comptait dans une vie c'était son intensité, pas sa  durée. Il ajoutait que l'on se posait souvent des problèmes d'immortels, alors que nous sommes de simples mortels. Sans vous parler de la pluie et du beau temps, je dois dire qu'il fait très chaud dans la partie de la France où je me trouve ; les températures  nocturnes avoisinent les 22 degrés, celles de la journée atteignent les 34. Cela a son importance car les choses ne sont pas les mêmes selon les climats où elles se passent, on les ressent différemment. Quand on a perdu son père on perd en même temps une immense partie de soi, de ce que l'on est et comme me le disait une amie récemment il n'est jamais facile de se retrouver en première ligne. On se pose des tas de questions dont on a peur des réponses, on a tout simplement peur de l'avenir, de ce qui peut se passer demain. Je savais la fragilité de la vie mais finalement je n'y pensais pas. La mort de mon père m'a remis brusquement, implacablement cette évidence devant les yeux. Je l'ai vu en bonne santé dix minutes avant que l'infarctus ne vienne le terrasser, une image qui durera toute ma vie. Et puis.... et puis le temps d'aller chercher un paquet de cigarettes, un coup de fil sur mon portable et vingt minutes après un hélicoptère. Je passe les détails des évènements et les jours d'attente en réanimation. Des moments très difficiles, quasiment indicibles. Tout comme ce basculement rapide du soleil à l'obscurité, la cassure de ce fil ténu qu'est la vie. On a des problèmes qui nous empêchent de dormir, des soucis qui nous préoccupent ; des rêves qu'on hésite à réaliser, des choses que l'on ne  fait pas parce que l'occasion ne se présente pas.... Et puis tout se brise d'une minute à l'autre. Une des grandes lecons que j'ai révisée ces derniers jours c'est de ne pas trop s'en faire, d'essayer de vivre le plus possible, de ne plus s'embêter pour un rien. J'ai vu la mort de près ces derniers jours, j'ai vu tous ses visages. Celui de mon père d'abord. Dans son cercueil, il avait un air apaisé malgré les produits qui lui gonflaient un peu le corps. Il avait toujours ses beaux cheveux blancs. Ses mains, et cela m'a surpris, étaient souples, comme vivantes. Ma mère a voulu qu'on l'habille d'une belle chemise blanche. Je me rappelle les couloirs de ce funérarium où j'ai croisé toutes sortes de gens, tous frappés du malheur de la perte d'un proche. Je me rappelle des cris, des larmes, des évanouissements. Je me rappelle aussi dans cette petite salle avoir pris du recul et m'être appuyé contre le mur en regardant les amis, la famille et particulièrement ma nièce et mes neveux. Ils ont tous environ 25 ans, ils pleuraient de larmes sèches, d'une douleur sans nom ; de quelque chose qui n'était pas humain. Mon propre fils de douze ans exprime un chagrin avec des mots d'adultes, réconfortant sa grand mère au téléphone plusieurs fois par jour. Ce fils m'épate.

Et puis cet espoir né de tout ce désespoir. Cet espoir sur lequel on ne peut poser aucun mot parce qu'il est au delà de notre monde visible.

(Photographie de Pierre Verger : petites filles à Cotonou, Bénin, 1948)

Publicité
Commentaires
J
émotions, larmes qui brillent au bord des yeux, tendresse qui s'envole et qui peut-être te touchera...un peu...
W
Mon cher O. moi, j'ai envie de te citer une très belle phrase, que je garderai longtemps auprès de moi :<br /> Quand meurt, de façon inattendue, une personne aimée, on ne la perd pas tout en bloc ; on la perd par petits morceaux, et ça peut durer très longtemps. Ses lettres qui n'arrivent plus, son parfum qui s'efface sur les oreillers et sur les vêtements. Progressivement, on additionne les pièces manquantes. John Irving.<br /> <br /> Je t'embrasse moi aussi
V
Je passe seulement maintenant chez toi dans ma tournée de rentrée et t'adresse donc bien tard mes pensées après le décès de ton père.<br /> Et j'aime cette entrée de ce jour qui dit au-delà de la peine et qui le dit bien cet "indicible" espoir. Cela me rappelle un moment très précis il y a bien longtemps juste après la mort de ma grand mère, en revenant de son enterrement où m'avait traversé de façon très intense une sensation puissante d'une sorte d'évidence de vie qui nous fait parfois défaut en temps normal.<br /> Bon courage Olivier et mes amitiés
T
J'ai une fois éprouvé un quelque chose qui peut être de cet ordre là. Un enterrement, de la douleur, du chagrin des pourquoi et des yeux encore rougis. Et là, au milieu de cette place sous les micoucouliers, la lumière dorée et l'air doux de Septembre en Provence, une bouffée de joie qui m'a soulevée, traversée. Qui n'était pas la mienne, qui ne m'appartenait pas en propre. Comme un sourire qui s'étirait dans les plis de la peine, plein d'amour, plein de paix. Quelque chose d'autre qui me traversait.<br /> Peut-être que sous la douleur qui crie, si l'on équarquille bien le coeur, on peut trouver à ces moments, tout dessous, la lumière qui affleure.<br /> Baisers
C
Quand on réalise VRAIMENT qu'on est mortel...on vit autrement les choses au présent...<br /> Merci pour cette belle et profonde note<br /> Courage à toi...
Derniers commentaires
Publicité
Publicité